






Cette phrase récurrente me hante l'esprit " Il n'y a rien à voir à Auschwitz ", renforcée par cette peur de rester insensible aux décombres de ce massacre. Je fais mes premiers pas dans Birkenau ; lieu qui me laisse sans voix alors qu'il y aurait tant à dire mon savoir et mon imagination complètent ma vision de cet espace indéfinissable et cette succession d'images horribles me noue le coeur. Jules, sur ces rails qu'il a traversés dans la terreur, nous raconte avec la force qui lui reste, son passé, qu'à peine nous pouvons comprendre dans ce monde où tout nous est offert. Alors l'émotion, la rage, la haine, la souffrance, se mêlent à son discours, sans réminiscence, ses souvenirs ineffables se lisent dans son regard, et nous, adolescents, adultes, tout simplement êtres humains du XXIème siècle, unis dans la compassion et la douleur, comprenons qu'à Auschwitz il y a tout eu : la vie, le mal, la mort...et chacun réagit comme il le peut, un sanglot, une tête baissée, une mise à l'écart ou même un semblant d'impassibilité...Et moi, éprouvée en profondeur par ce témoignage poignant qui sort des tripes, je regarde Jules, ce déporté, petit, un peu boiteux, drôle d'apparence, et je laisse mon esprit concevoir ce qu'il n'a jamais voulu concevoir : ma mère, ma soeur, mon père, rasés, violentés, entassés dans ces chambres à gaz, transportés vers des fours crématoires qui réduiront leur corps à des " poussières " sur lesquelles d'autres marcheront, comme nous-même l'avons fait inconsciemment. Puis, face à cette réalité incontestable, qui a dépassé nos doutes antérieurs, que certains tentent de nier, qui en indiffère d'autres, l'expérience de partage et d'humanité a effacé toutes nos différences et a rapproché des êtres liés par un choc émotionnel...